Intelligence artificielle : Quels impacts sur les conditions de travail ?


Intelligence artificielle

Faire de la France une référence en matière de recherche sur l‘intelligence artificielle (IA), tel est l’objectif affiché par le gouvernement français qui a présenté un plan en mars dernier pour que le pays « ne rate pas le train de l’IA ». Un programme qui sera soutenu à hauteur de 1,5 milliard d’euros d’ici la fin du quinquennat. En prémisse du déploiement de l’intelligence artificielle en Hexagone, FRANCE STRATEGIE a rendu public un rapport intégrant notamment la question de l’impact sur les conditions de travail (notamment dans le secteur de la santé) et apportant des clés pour concilier au mieux intelligence artificielle et qualité de vie des travailleurs. REALEASE Capital a interviewé une des auteurs de ce rapport. Entretien avec Salima Benhamou, économiste à FRANCE STRATÉGIE.

©Thierry Marro – FRANCE STRATEGIE

Realease Capital :
L’intelligence artificielle, aujourd’hui en France où on est-on ?

Salima Benhamou : Globalement, l’intelligence artificielle se définit comme l’ensemble des technologies visant à réaliser des tâches cognitives traditionnellement effectuées par l’homme. On distingue classiquement deux versions : l’intelligence dite « forte », hors de portée à ce jour, qui serait comparable à l’intelligence humaine, notamment par sa capacité à comprendre le contexte et à disposer d’un sens commun, et l’intelligence artificielle « dite » faible que l’on retrouve dans de nombreux secteurs notamment dans les transports avec les véhicules autonomes et le secteur bancaire avec les chabots (agents conversationnels). Les tâches sont remplacées par des logiciels informatiques qui automatisent un certain nombre d’activités, autrefois prises en charge par l’Humain. Cette technologie intéresse des secteurs d’activités très variés qui appréhendent l’intelligence artificielle comme un moyen d’améliorer leur compétitivité, se différencier sur les marchés et de rationaliser les coûts.

REALEASE Capital :
Le rapport passe au crible trois secteurs : les transports, la banque et la santé. Pourquoi ont-ils été examinés ? Quel peut être l’impact de l’intelligence artificielle sur le travail ?

Salima Benhamou : Le rapport cible trois secteurs où l’intelligence artificielle pourrait induire des transformations majeures sur le travail qu’il conviendra d’anticiper, notamment au travers de ses risques potentiels et de ses avantages. L’intelligence artificielle suscite des craintes, surtout parce qu’elle permet une automatisation accrue des tâches et pourrait donc jouer un rôle important sur les mutations du travail. En effet, l’intelligence artificielle pourrait exécuter des tâches compliquées, mais répétitives qui pourraient affecter certains métiers. Une intensification du travail soumis à un contrôle automatisé et des risques psychosociaux associés existent. Cette hypothèse est tout aussi crédible que celle liée à l’amélioration des conditions du travail comme un enrichissement du contenu des tâches. Tout dépend de la manière dont seront déployés les dispositifs, partagés les gains de productivité permis par l’intelligence artificielle ou des choix effectués en terme d’organisation du travail et des équipes. Il est important de rappeler que plusieurs facteurs, autre que la technologie, vont jouer un rôle dans les évolutions du travail : les aspirations des travailleurs, leur niveau de formation, l’acceptabilité sociale, les obligations réglementaires, le contexte économique…

REALEASE Capital :
Qu’est-ce que l’intelligence artificielle a changé dans le secteur de la santé ?

Salima Benhamou : La santé est l’un des secteurs où l’intelligence artificielle pourrait avoir des répercussions profondes sur le travail. De l’aide au diagnostic, en passant par la prescription thérapeutique et la robotisation de certains actes médicaux, les professionnels de la santé seront particulièrement concernés par l’intelligence artificielle. Avec l’arrivée de la lecture d’images automatisées, les radiologues pourront se concentrer sur l’interprétation de pathologies complexes. Ils pourront aussi s’orienter vers la radiologie interventionnelle, domaine où l’intelligence artificielle ne pourrait pas remplacer ce professionnel de santé. Grâce au logiciel Watson (logiciel d’aide à la décision), les médecins pourront améliorer et sécuriser leur connaissance dans le domaine médical et sécuriser leur décision en matière de diagnostic et de propositions thérapeutiques grâce à l’accès à des millions de résultats médicaux les plus actualisés. Ils auront le temps de connaître l’histoire personnelle, l’histologie thérapeutique de leurs patients pour mieux individualiser leur prise en charge. Mais pas seulement. L’intelligence artificielle aura des conséquences sur le travail des infirmier(e)s et des aides-soignant(e)s, elle leur permettra d’acquérir une meilleure autonomie et de renforcer leur intégration dans le travail d’équipe associant tous les professionnels de santé qui participent à la prise en charge. Par exemple, avec Watson, l‘infirmier(e) sera en mesure d’établir des analyses de premier niveau pour que le médecin passe plus de temps avec son patient. À partir de ce scénario, on peut anticiper une montée des compétences de ce personnel soignant. De plus, l’utilisation de robots sociaux dotés de capteurs intelligents pour la prise en charge des personnes âgées souffrant de troubles cognitifs et comportementaux permettra à la fois d’améliorer leur bien-être, mais aussi de diminuer la pénibilité physique et psychique du travail des infirmier(e)s et aides-soignant(e)s.

Intelligence artificielle et entreprises
 ©FRANCE STRATEGIE

REALEASE Capital :
Quels sont les risques en matière de travail dans ce secteur ?

Intelligence et travail

Salima Benhamou : Si on prend l’exemple du médecin ou de l’aide-soignant(e), toutes les tâches qui composent leurs métiers ne sont pas toutes automatisables, notamment celles qui visent à interagir avec le patient. Par exemple, des études ont montré que l’efficacité d’un protocole thérapeutique demandait une adhésion forte du patient obtenue après un dialogue avec un professionnel de santé. Cet entretien demande une connaissance qui va au-delà de la technique, qui ne peut pas être intégré dans une intelligence artificielle. Même si Watson permet d’améliorer les prises de décisions, les médecins restent seuls responsables de leur diagnostic. Ils doivent justifier leur proposition thérapeutique. C’est un travail cognitif complexe. Mais si l’intelligence artificielle prend en charge des activités automatisables, mais laisse aux professionnels que les tâches complexes à réaliser, cela peut conduire à un épuisement cognitif, voire à des burn-out.

REALEASE Capital :
Comment accompagne-t-on ces acteurs dans cette mutation ?

Salima Benhamou :Les professionnels de santé doivent se saisir de ce sujet et mettre en place un chantier prospectif travail à travers par exemple un groupe de travail rassemblant tous les acteurs (médecins, RH…) pour identifier l’ensemble des tâches (d’un métier) hautement automatisables et d’en mesurer les risques et les avantages en matière de conditions de travail et d’évolution de compétences. Ce travail est nécessaire pour mettre en place des bonnes pratiques et surtout pour prendre des mesures nécessaires pour former les travailleurs et les jeunes qui arriveront sur le marché du travail à bien utiliser les outils d’intelligence artificielle.
 

Attentive aux évolutions constantes des technologies, REALEASE Capital facilite l’immersion des différents acteurs dans l’ère de l’intelligence artificielle en proposant une solution de location évolutive sur mesure, adaptée notamment aux besoins des secteurs de l’industrie et de la santé et garantissant l’évolution des outils IA et l’optimisation des coûts.

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