Transformation digitale des entreprises : 3 questions à David Fayon


La digitalisation des entreprises

Start-up, PME ou multinationale : La digitalisation des entreprises est devenue un processus incontournable. Auteur de « Transformation digitale : cinq leviers pour l’entreprise » et spécialiste de la transformation numérique des sociétés, David Fayon revient sur les points-clés essentiels pour comprendre ce phénomène global.

Quels risques prennent les entreprises à ne pas amorcer leur transformation digitale ?

David Fayon : La transformation digitale permet, pour les entreprises qui l’opèrent, d’avoir un avantage compétitif par rapport à leurs concurrents qui restent inertes. C’est un moyen de mieux répondre aux attentes de leurs clients et de les anticiper, de créer de la valeur avec de nouveaux relais de croissance. Notons que la transformation digitale touche l’ensemble des acteurs économiques, mais principalement de grandes organisations non issues d’Internet, avec un marché établi (souvent sur la base de monopoles, de faits hérités de l’État ou d’une réglementation exclusive sur un territoire donné). La transformation digitale devient incontournable avec la rapidité des changements induits par le Web 2.0, le boom des smartphones, le big data, le cloud et l’évolution accélérée des technologies – avec demain l’Internet des objets et les robots. 

Déni de la digitalisation
Légende : Infographie issue d’une étude réalisée au premier trimestre 2016 par Loudhouse pour Progress : 33 % des sociétés ont développé une stratégie de transformation numérique, mais ne l’exécuteront pas cette année / 13 % l’exécuteront dans les 12 mois / 47 % savent que c’est important, mais n’ont pas commencé et ne sont pas prêts/ 4 % ne savent pas réellement ce qu’est la transformation digitale.

C’est généralement quand les entreprises sont au pied du mur qu’elles opèrent leur transformation digitale. Par exemple, La Poste, confrontée au déclin du courrier, a lancé le projet Facteo qui consiste à équiper les 90 000 facteurs d’un smartphone avec à terme un écosystème de services dont la plupart restent à imaginer et à co-construire. Ou encore la SNCF avec un fonds d’investissement Digital SNCF Ventures et des incubateurs de projets digitaux, des hackathons, la 3G et 4G dans les trains et les gares, des applications smartphone et sur tablette pour les conducteurs de train.

La transformation digitale touche l’ensemble des acteurs économiques, mais principalement de grandes organisations non issues d’Internet.

 
En n’opérant pas leur transformation digitale, certaines entreprises peuvent être ubérisées, lentement décliner voire disparaître. On pourrait citer Kodak ou encore Nokia qui, leader des téléphones portables, a manqué le tournant des smartphones avec l’arrivée de l’iPhone en 2007. C’est un processus darwinien de sélection des espèces appliqué aux entreprises.

Parmi les cinq leviers pour la transformation digitale que vous évoquez dans votre ouvrage, vous pointez la triade  « Technologie-innovation – personnel – organisation ». Pourriez-vous revenir sur la question de la technologie et particulièrement de l’équipement : quel rôle joue le matériel dans la transformation digitale ?

Cette triade est la base de la transformation digitale et constitue les 3 premiers leviers. Toute introduction des nouvelles technologies dans une organisation doit prendre en compte les dimensions d’organisation et de personnes. Si l’un des trois n’est pas pris en compte, c’est voué à l’échec. S’y ajoutent les leviers Produits et services d’une part, car c’est là qu’est généré le chiffre d’affaires avec le client au centre et Environnement d’autre part. Ce dernier peut influer (réglementation, lobbying, etc.) sur les résultats de l’entreprise.

Livre sur la transformation digitale Légende : Transformation digitale : 5 leviers pour l’entreprise,
par David Fayon Broché, éditeur : Pearson  (2014). 

Pour revenir à la technologie, elle permet des nouveaux usages tant pour le personnel que pour les clients et tout l’écosystème qui gravite autour de l’entreprise ou l’organisation : fournisseurs, partenaires, etc. Dans ce cadre, l’équipement (PC, smartphone, tablette, Internet des objets) joue un rôle moteur avec les logiciels et les Apps qui vont avec. L’équipement est un moyen et non une fin, mais il doit être au service du personnel de l’entreprise et lui permettre de travailler dans de bonnes conditions où que le salarié se trouve : en mobilité dans les transports ou chez le client par exemple, la possibilité d’organiser des réunions à distance, etc. Les notions de temps, d’action et de lieu sont facilités par les équipements à la pointe.

Toute introduction des nouvelles technologies dans une organisation doit prendre en compte les dimensions d’organisation et de personnes.

Selon vous, le matériel ne fait pas tout, il doit aussi s’accompagner des usages… Quels sont les acteurs majeurs pour accompagner cette digitalisation d’entreprises, conseiller et aider à terme à changer ses mentalités ?

La digitalisation des entreprises est à effectuer déjà en interne avec un mix entre approche top-down depuis la direction générale, mais aussi bottom-up depuis les salariés eux-mêmes avec des remontées d’idées, des ateliers de créativité. C’est la logique de PoC (proofs of concepts), de maquettes, de simulateurs pour montrer à la hiérarchie quels pourraient être les nouveaux produits, services. Ceci peut s’effectuer par essais et erreurs avec un processus itératif. Dans ce cadre, le design et les logiciels permettant des simulations des services cibles ont un rôle à jouer dans une logique de Go/no Go. Et même les imprimantes 3D.

Domaine de la transformation numérique
Légende : Etude réalisée au premier trimestre 2016 par Loudhouse pour Progress / Les approches actuelles pour la stratégie de transformation numérique sont généralement axées sur le contenu du site (68%), e-commerce (62%), les médias sociaux (53%), l’email marketing (51%), le mobile (38%) et SEO (18%).

Pour permettre aux entreprises de se digitaliser plus facilement, il est important de mener des expériences sur des plateaux projets avec des personnes issues de cultures différentes, principalement des développeurs, des marketeurs, des designers, mais aussi des utilisateurs, des juristes et toutes les autres fonctions de l’entreprise. Pour accompagner cette digitalisation, ce peut être l’apanage de consultants, mais aussi de co-innovation/co-création avec un écosystème d’acteurs : des clients, fournisseurs et partenaires de l’entreprise peuvent être impliqués pour imaginer les services de demain. Des benchmarks de ce qui se fait de meilleur dans le secteur peuvent également être effectués pour aider dans la stratégie.

Pour aller plus loin :
Loi El Khomri: guide de survie numérique pour les entreprises
L’actualité du web et du numérique, le blog de David Fayon