Matériels innovants, applications insolites : quels sont les nouveaux outils et usages qui vont révolutionner l’entreprise ?

Percée de la réalité augmentée, de la robotique,des objets connectés… Du matériel aux logiciels, l’incursion de nouvelles technologies et usages dans le monde de l'entreprise ne relève  lus de l'anticipation. Mais l'entreprise du futur sera-t-elle réellement telle qu'on se l'imagine ? Décryptage.

A l'heure où la digitalisation est devenu un rituel de passage obligatoire pour les entreprises, la vulgarisation de technologies innovantes telles que l'internet des objets ou la réalité augmentée laisse présager des mutations importantes des sociétés et de ses usages internes. De nombreuses analyses fleurissent dans la presse spécialisée, souvent avec des effets d'annonce. Mais à quoi ressemblera vraiment l'entreprise du futur ? Quelle place cédera-t-elle au matériel ?
 

Entreprise du futur :Réalité augmentée dans les entreprises

Parmi les technologies régulièrement citées dans la vision futuriste de l'entreprise ,la réalité augmentée tient le haut du panier. Forte d'une histoire de presque 50 (le premier système de réalité augmenté inventé par Ivan Sutherland date de 1968), cette technologie a depuis été largement vulgarisée par les Google glass en 2012. Deux ans plus tard, la firme de Mountain View, après son échec à positionner ses lunettes à réalité augmentée sur le marché des particuliers, réajuste sa stratégie avec comme objectif de pénétrer le marché de l'entreprise. De nombreuses sociétés ont depuis sauté le pas de la réalité augmentée, ainsi que le rappelle le site Larealitéaugmentée.com.  En 2013 Ikea la propose à ses clients via une application permettant une pré-visualisation des meubles dans leurs intérieurs. Même usage chez le fabricant de parquet Tarket.

Or, malgré la récente annonce du lancement de Hololens, le casque à réalité augmenté de Microsoft destiné à l'utilisation en entreprise, ainsi que le grand nombre d'usages professionnels imaginé par Sony pour ses SmartEyeGlass, la réalité augmentée semble pour l'instant se concentrer dans des secteurs très BtoC et avec une approche essentiellement « ludique ».
 

Entreprise du futur : l’ère des objets connectés (IoT)

Dans une tribune de Didier Zeitoun, président de Magellan Consulting et du groupe Magellan Partners repérée sur notre blog le mois dernier, ce dernier évoquait quant à lui une autre technologie phare de l'entreprise du futur telle qu'on se la dépeint actuellement : l'internet des objets (IoT). Selon lui, cette technologie, véritable opportunité pour l'entreprise devrait permettre d'approfondir la proximité de la relation-client. L'auteur prend comme exemple de ses premier usages  le secteur des transports avec la géolocalisation des navires ou la possibilité du suivi en temps réel du remplissage des containers sur les cargos. Et le domaine des services ne serait pas exclu de cet usage. Selon le Didier Zeitoun, divers acteurs « s'emparent, eux aussi, de ces technologies pour fournir au client final une information fiable et constamment actualisée. Certains transporteurs permettent, par exemple, le suivi de la position d'un colis par son expéditeur. »

Iot et Réalité augmentée seront-elles les deux piliers de l'entreprise de demain? L'anthropologue  Eric Guichard se veut plus critique face à ce tableau futuriste des nouveaux usages. Selon lui,  l'entreprise du futur devrait se construire sur des technologies moins récentes :

«  En général l'innovation en entreprise va venir d'un usage qu'on connaît déjà et que l'on commence à bien maîtriser. Car c'est à partir de ce moment que l'on commence à tirer des bénéfices d'une technologie. C'est dans la logique de l'affinement des usages, le passage de l'utilisateur à une sorte d'ingénierie de certains produits informatiques ».

Pour le spécialiste, nous serions actuellement confrontés à «une surenchère du nouveau qui génère en partie le phénomène d'obsolescence programmée. La nouveauté génère des potentialités inédites, et on ose des expérimentations techniques qui ne sont pas du tout socialisées et absorbées ni par le grand public ni par les experts. »
 

L'entreprise du futur : gestion des archives et instabilité scribale

L'entreprise du futur ne rimerait donc pas forcément avec casque à hologramme, objets connectés et réalité virtuelle… Pour Eric Guichard, l'avenir de l'entreprise ne peut se comprendre et s'imaginer qu'en comprenant le passé et les limites de l'entreprise actuelle.  Selon ce dernier, les sociétés sont aujourd'hui confrontées à deux soucis majeurs concernant l'entreprise. En premier lieu la gestion de leurs archives, cette « difficulté  à retrouver des documents des factures, des suivis de commandes etc. » Autre enjeu principal : « l'instabilité scribale », cette « l'évolution permanente des supports » qui empêche d'utiliser de façon homogène du matériel d'entreprise ancien  avec des équipements numériques plus récents. 

En général l'innovation en entreprise va venir d'un usage qu'on connaît déjà et que l'on commence à bien maîtriser

Eric Guichard

Face à ces enjeux, les entreprises vont devoir trouver des solutions pour continuer d'évoluer dans un univers technologiques toujours plus  varié et complexe. « Le problème est clair : cela devient de plus en plus lourd et de plus en plus coûteux de réaliser la maintenance de ses produits informatiques. C'est pour cela qu'il se produit une sorte de délégation à des tiers, comme c'est le cas avec des acteurs de la location évolutive » rappelle le chercheur.

Ainsi, l'entreprise du futur à venir devrait se concentrer sur la résolution de problèmes concrets et pré-existants l’apparition des nouvelles technologies . Une vision probablement moins séductrice que la celle d'une entreprise intégrant une technologie bienveillante visant à séduire tous les problèmes de ses usagers mais plus en phase avec les logiques de travail au quotidien.
 

Entreprise du futur : une entreprise sans bureau

Autre aspect à prévoir, sur lequel les spécialistes s'accordent : la transformation des lieux de travail, en rapport avec les logiques de mobilité. Un article du Figaro intitulé « À quoi ressemblera votre quotidien au travail en 2053? » prédit ainsi que dans le futur «  la notion de «bureau» et d'entreprise physique aura disparu » et prévoit une délocalisation des lieux de travail à domicile, dans des espaces partagés de type co-working voire… dans des lieux publics !

En parallèle de cette mutation des espaces de travail, la digitalisation des entreprises devrait influer sur le temps de travail, nécessitant ainsi un meilleur contrôle. Amandine Brugière, responsable des projets Digiwork et Infolab à la Fondation internet confiait en janvier dernier dans le magazine Travail & Changement:  « Ce que j’ai pu constater depuis que je m’intéresse à l’impact des nouvelles technologies dans les environnements professionnels, c’est que le travail s’est très fortement intensifié, notamment pour les cadres, et qu’il convient de réguler les choses de manière urgente ».

Un constat validé par Eric Guichard : « le fait que les gens soient connectés 24h/24 génère un abandon de la rupture privé-professionnel et pose vraiment des problème en ce moment, au point que même la loi El Khomri soit en train d'en parler. »

La nouveauté génère des potentialités inédites, et on ose des expérimentations techniques qui ne sont pas du tout socialisées et absorbées ni par le grand public ni par les experts.

Eric Guichard

Ainsi les évolutions de l'entreprise liée à sa digitalisation ne pourront pas être pensées, à court comme à long terme, indépendamment des logiques sociales et des usages actuels :

 « Nous sommes dans une période où il nous faudra peut-être une vingtaine d'années avant de pouvoir digérer le numérique, les effets des nouveaux objets, des mises en réseau, des socialisation conceptives et des processus de sociabilisation. Nous sommes dans une forme d'entre-deux, de creux de vague,et on a encore plus de difficulté à prévoir l'avenir » conclut Eric Guichart.

Dans cette période complexe pour les entreprises, ces dernières ont plus que jamais besoin d'acteurs indépendants pour les aider à réaliser leur digitalisation.

Pour aller plus loin :

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