Digitalisation des entreprises : ces métiers de tradition qui se numérisent (aussi)


Digitalisation de l'agriculture

Applications sur mobile, Internet des objets (IoT) et nouveaux matériels technologiques… Quelles innovations sont plébiscitées par les professionnels ? Focus sur trois métiers de tradition, à l’heure de la digitalisation : agriculteur, viticulteur et joaillier.

Dans un monde du travail complètement bouleversé par les nouvelles technologies, il est des professions que l’on n’attendait pas forcément au tournant de la digitalisation des entreprises. De nombreux corps de métiers mettant en exergue la tradition, l’authenticité ou le travail manuel se tournent pourtant, eux aussi, vers les matériels et usages digitaux.

Nous avons sélectionné trois métiers liés à l’agriculture et à l’artisanat qui, contrairement aux idées reçues, tirent d’ores et déjà certains bénéfices de la transformation digitale et des processus de production et de commercialisation, tout en continuant à promouvoir le caractère traditionnel de leurs activités.

Le digitalisation la plus inattendue : Fermier digital

Qui a dit que les agriculteurs n’étaient pas des professionnels connectés ? Ces métiers de la terre, associés à la tradition sont, au contraire, parmi ceux qui se digitalisent le plus naturellement. Et ce depuis des années déjà. « Les agriculteurs constituent une population très connectée et friande d’innovation », assure Karine Cailleaux. Membre de la start-up Ekylibre, le premier logiciel open-source de gestion d’exploitation agricole, la jeune femme est aussi l’une des porte-paroles de La Ferme Digitale, une association regroupant treize start-up destinées à offrir des solutions de digitalisation de l’entreprise innovante aux producteurs agricoles. Fondée en février 2016, La Ferme Digitale s’est faite connaître du grand public lors du salon de l’agriculture. 

La ferme digitale
Légende : Page d’accueil du site www.lafermedigitale.fr/

De l’approvisionnement à la commercialisation, en passant par l’accompagnement de la production, l’association couvre toutes les phases du travail agricole afin de le rendre moins pénible, plus efficace et plus moderne, grâce à des applications et des matériels agricoles innovants.

Selon ces jeunes entrepreneurs impliqués dans la transformation digitale de l’agriculture et issus pour la plupart de familles de producteurs, si le monde de l’agriculture se montre beaucoup plus enclin à épouser le numérique qu’on ne pourrait le croire, c’est que ses membres « exercent un métier qui a toujours été dur et qui, de plus, est confronté aujourd’hui à de nouvelles contraintes réglementaires, environnementales, sociétales. » Les quelques 20 000 clients que compte La Ferme Digitale, aux quatre coins de l’Hexagone, dans les DOM-TOM et dans quelques pays d’Europe, témoignent de l’engouement porté à leur initiative de digitalisation.

Objectifs et mission de la Ferme digitale
Légende : Objectifs et mission © La Ferme Digitale

La rencontre entre l’agriculture et le monde du numérique n’est pas qu’une promesse d’avenir, « c’est déjà une réalité, en ce qui concerne notamment les objets connectés, largement démocratisés en France ». Cette aide matérielle se concrétise notamment au travers du matériel agricole, par l’installation de capteurs sur les parcelles. Ceux-ci aident les producteurs à mieux gérer l’irrigation, voire même à prévenir les risques climatiques et sanitaires. La start-up Weenat (La Ferme Digitale), par exemple, « propose aux agriculteurs d’optimiser leurs ressources, en leur apportant des informations localisées à la parcelle pour appuyer leurs décisions ».

Mais, les objets connectés, la robotique et le machinisme ne sont pas forcément les têtes de gondole de la digitalisation de l’agriculture. « Il n’y a pas vraiment de tendance qui se dégage par rapport au matériel agricole, poursuit Karine Cailleaux. L’agriculture française se caractérise par sa diversité. Diversité des paysages agricoles, des méthodes de production, des tailles des exploitations… Au final, à chaque situation ses solutions innovantes ! »

 

De plus, le cliché consistant à croire que ces solutions technologiques ne seraient plébiscitées que par une poignée de jeunes fermiers startupers a du plomb dans l’aile. Un constat plus que nuancé avait déjà été dressé par le rapport RAUDIN (Recherches Aquitaines sur les usages pour le développement des dispositifs numériques), auquel Karine Cailleaux avait participé : « Dix ans plus tard, on observe qu’une génération de quinquagénaires, qui connaît bien les difficultés du métier et des marchés, se montre justement très ouverte face aux apports du numérique. »

La digitalisation la plus savoureuse : la vitiviniculture connectée.

Attardons-nous désormais sur le phénomène de digitalisation d’un des métiers de cette agriculture du XXIe siècle : la vitiviniculture. Objet de fierté tricolore, pour les producteurs autant que pour les consommateurs, le vin était attendu au tournant de la transformation numérique. Pour ce produit à part, témoin d’une tradition ancestrale, la digitalisation présente de nombreux avantages. Surtout dans le cadre d‘un marché globalisé, où de plus en plus de régions du monde produisent et exportent du vin aux rapports qualité-prix en perpétuelle amélioration. 

Dans un article publié sur le site The Conversation, Jean-Jacques Boutaud nous expose ce que la numérisation peut apporter au monde vitivinicole, notamment en termes de communication, et donc,  de visibilité. 

« Avec ses éléments de discours fondés sur le terroir, la tradition et l’authenticité, le secteur de la vigne et du vin ne s’impose pas d’emblée comme modèle d’innovation. Mais ces valeurs de réassurance n’ont rien de contradictoire avec les capacités d’adaptation pour optimiser la qualité, précisément au nom d’un savoir-faire, d’une réputation. », commence le professeur en Sciences de l’information et de la communication à l’Université de Bourgogne.


LÉGENDE : L’article du professeur Boutaud est à lire en intégralité sur le site de The Conversation

À l’aide d’un matériel assez simple – tablettes, smartphones et applications associées- le vin s’invente un futur, à la croisée de la digitalisation des entreprises, de la tradition, du savoir-faire et de l’innovation. « Pour le moment, les drones sont très peu présents dans la viticulture. En revanche, les producteurs apprécient l’apport des technologies RFID. » précise Karine Cailleaux.  La radio-identification, de l’anglais radio frequency identification (RFID), consiste notamment à placer des codes barre sur les bouteilles afin d’offrir aux clients une traçabilité à toute épreuve. Ce qui ouvre de nouvelles perspectives en matière de connaissance du produit, éveillant d’autant plus l’intérêt du consommateur.

La digitalisation la plus chic : joaillier 3D

Outre les métiers de l’agriculture, ceux de l’artisanat n’ont pas fini de nous surprendre. Parmi les plus luxueux, celui de joaillier a vu ses pratiques vivre de profonds bouleversements en termes de transformation digitale depuis quelques années.

Car les plus minutieux travaux de confection de bijoux sont réalisés, de plus en plus, à travers les logiciels de modélisation et directement produits grâce aux imprimantes 3D. « Celles-ci constituent-elles l’usine [ou l’atelier] du futur ? », se demandent les médias, ici ou

Une chose est sûre : un long chemin a été parcouru depuis 1984, année durant laquelle les Français Jean-Claude André, Alain Le Méhauté et Olivier de Wite déposèrent le premier brevet d’imprimante 3D ! Les matériels proposés permettent aujourd’hui d’obtenir des résultats très satisfaisants, en produisant des objets en plastique, mais aussi dans la plupart des métaux tels que l’or, l’argent, ou le bronze.

Joaillerie, design… de nouvelles perspectives s’ouvrent donc pour les entreprises fabriquant des imprimantes 3D, dont l’usage risque de s’étendre dans un futur très proche. L’avenir nous dira si cette extension concernera autant les imprimantes aux tarifs accessibles, pour un usage privé, que les plus perfectionnées, destinées aux «  artisans digitalisés ».

 

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