Chaque automne, Octobre Rose rappelle l’importance du dépistage précoce du cancer du sein, première cause de mortalité par cancer chez les femmes. Mais derrière les rubans roses et les campagnes de sensibilisation, une réalité plus discrète demeure : l’inégalité d’accès aux technologies médicales de pointe.
En France, le dépistage organisé repose sur la mammographie, proposée tous les deux ans aux femmes de 50 à 74 ans. L’examen, pris en charge à 100 % par l’Assurance maladie, comprend une mammographie bilatérale associée à un examen clinique, suivie d’une seconde lecture par un radiologue expert si la première est normale. En cas d’image suspecte, un bilan complémentaire peut être proposé. Les résultats sont en moyenne disponibles sous deux semaines.
Désert médical

Selon l’Institut national du cancer, ce dispositif permet de détecter 60 % des cancers du sein à un stade précoce, offrant ainsi un taux de survie de 99 % à cinq ans après le diagnostic. Les cancers identifiés tôt nécessitent en outre des traitements généralement moins lourds et moins agressifs. Pourtant, vingt ans après sa généralisation, la participation reste insuffisante : moins d’une femme sur deux concernées y prend part, loin des 70 % recommandés au niveau européen, selon Santé publique France.
À cette faible participation s’ajoutent les inégalités territoriales. Dans certains départements, les patientes se heurtent à la pénurie de spécialistes. « Dans les zones de désert médical, il nous arrive de ne pas avoir de gynécologues ou de radiologues disponibles, et les femmes doivent parfois parcourir des dizaines de kilomètres pour un simple examen », témoigne une gynécologue d’un hôpital provincial. Selon une étude menée par Doctolib et la Fondation Jean Jaurès (avril 2024), le délai médian pour obtenir un rendez-vous chez un gynécologue est de 22 jours en présentiel. La téléconsultation permet de réduire ce délai à quatre jours, mais ne peut pas remplacer les examens d’imagerie indispensables au dépistage. Ces moyennes masquent par ailleurs de fortes disparités : dans plusieurs départements, les délais peuvent être au moins deux fois supérieurs à la moyenne nationale.
Dans certaines zones rurales, les délais pour une mammographie et/ou une échographie dépassent plusieurs mois, alors qu’un diagnostic rapide est décisif. Pour les soignants aussi, la situation devient intenable. « Le traitement du cancer du sein est extrêmement dépendant de la précocité du dépistage. Plus tôt il sera réalisé, plus grandes seront les chances de rémission et de guérison. Mais aujourd’hui, ce qui manque cruellement, ce sont des manipulateurs radios », déplore la gynécologue.
Innover pour rapprocher le dépistage des femmes

Dans ce contexte, certaines initiatives cherchent à aller vers les patientes. La start-up française Hocoia, fondée par un médecin et des ingénieurs, a ainsi développé le premier mammobus connecté au monde, un cabinet mobile de mammographie compact et déployable jusque dans les zones les plus isolées. Pensé en collaboration avec des radiologues et des patientes, il intègre également des solutions de télé-imagerie et de dématérialisation pour simplifier le suivi. « Le dépistage précoce sauve des vies. Avec le mammobus Hocoia, nous rendons cette action essentielle accessible partout », affirme l’entreprise dans un communiqué.
D’autres dispositifs circulent également en France. L’an dernier, un bus baptisé Mammo Solidaire a sillonné les routes d’Île-de-France. La même année, la Fédération nationale des médecins radiologues (FNMR) met en circulation en Alsace un « bus du sein » destiné à sensibiliser à l’auto-palpation.
Quand le budget freine l’innovation

Le coût est également une problématique : un mammographe numérique représente un investissement d’environ 230 000 €, auquel s’ajoutent les frais de maintenance. De nombreux établissements de santé, publics comme privés, repoussent ainsi l’acquisition de nouveaux équipements.
Dans certains territoires, cette contrainte budgétaire met directement en danger l’accès au dépistage. À Royan, le centre hospitalier réalise chaque année entre 1 500 et 1 600 mammographies dans le cadre du dépistage organisé. Mais son appareil, devenu obsolète, n’est plus maintenu par le constructeur. Les contrôles de sécurité laissent même présager un retrait imminent de l’agrément, synonyme d’arrêt du programme local. Étant donné l’état des finances de l’hôpital, c’est la Communauté d’agglomération Royan Atlantique qui a dû voter en urgence une subvention d’équipement pour financer un nouveau mammographe et éviter une rupture de service.
À Salon-de-Provence, la réponse a pris la forme d’une mobilisation citoyenne. Associations sportives, entreprises locales et habitants se sont engagés à reverser les bénéfices de leurs manifestations pour financer l’achat d’un nouvel appareil et élargir l’offre de dépistage et réduire les délais pour les femmes de la région.
Location financière : le rôle du financement innovant

Au-delà de ces initiatives ponctuelles, d’autres solutions existent. La location financière d’équipements médicaux permet aux hôpitaux et cliniques de s’équiper sans supporter immédiatement le coût d’achat. C’est l’approche de Realease medical, filiale santé de Realease capital, société de location financière qui met à disposition des mammographes numériques, échographes, y compris dans les zones sous-dotées. « L’objectif est clair : démocratiser l’accès aux technologies de dernière génération et réduire la fracture territoriale », explique Sabrina SCHMITT, Directrice Générale Déléguée, Responsable du marché Realease medical, dédiée à la location financière d’équipements médicaux.
Alors que la participation au dépistage peine à décoller, l’accès équitable aux équipements est également un enjeu. Car au-delà des campagnes de sensibilisation, Octobre Rose ne tiendra ses promesses que si toutes les femmes, quel que soit leur code postal, peuvent bénéficier d’un diagnostic rapide, précis et de qualité.
L’innovation médicale et financière ne remplace pas l’engagement public, mais elle peut contribuer à combler une partie des écarts. Dans la lutte contre le cancer du sein, chaque semaine, chaque jour gagné peut sauver des vies.