Hydrogène vert, captage du carbone, efficacité énergétique : la France joue gros sur le front de la décarbonation industrielle. La loi « industries vertes », adoptée en 2023, a fixé un cap clair : réduire massivement les émissions des usines, tout en maintenant la compétitivité de la base industrielle et technologique du pays. Mais derrière l’ambition, une réalité s’impose : pour nombre de PME et d’ETI, l’obstacle reste le financement.
Une mutation indispensable mais coûteuse

Les piliers de la stratégie française sont connus. L’hydrogène qui est produit par électrolyse de l’eau à partir d’électricité issue des énergies renouvelables. Il est présenté comme un substitut clé aux énergies fossiles bien que sa production connaisse du retard en raison du coût encore trop élevé de l’électrolyse, manque de projets d’envergure. Le captage et le stockage du carbone apparaissent comme une solution incontournable pour les secteurs les plus difficiles à décarboner. Quant à l’efficacité énergétique, elle constitue un levier immédiat, capable de réduire à la fois la facture et les émissions.
De grands groupes ont déjà montré la voie. Safran a investi massivement dans l’électrification de ses procédés industriels. L’entreprise a annoncé en juin dernier un partenariat exclusif avec Saft, filiale de TotalEnergies, pour développer un système de batteries haute tension destiné à l’aviation. Cette innovation marque une étape décisive vers la prochaine génération d’aéronefs, en intégrant des cellules lithium-ion haute performance et une architecture modulaire capable de s’adapter à différents types d’avions. Elle ouvre la voie à une électrification progressive du transport aérien, considérée comme un pilier de la trajectoire vers la neutralité carbone en 2050.
BASF, de son côté, déploie sa stratégie de capture du carbone à l’échelle internationale. En mai 2025, le géant allemand a octroyé une licence pour sa technologie d’épuration des gaz OASE dans le cadre d’un projet pilote à la centrale électrique de Taichung, à Taïwan. L’opérateur public Taiwan Power Company prévoit d’y capter 2000 tonnes de CO₂ par an, avec un taux de capture annoncé proche de 90 %. Ce projet illustre la volonté de BASF d’internationaliser ses solutions de décarbonation et confirme le rôle des grands groupes européens dans la diffusion de technologies vertes à l’échelle mondiale.
Ces projets démontrent que la transition est possible, mais ils reposent sur des investissements colossaux et un accès privilégié aux financements publics et européens.
PME et ETI : les oubliées de la transition ?

Pour les petites et moyennes structures, la marche est autrement plus haute. Les coûts initiaux d’un électrolyseur ou d’un système de captage se chiffrent en millions d’euros, alors que les retombées économiques se mesurent sur dix à quinze ans. Dans un contexte de marges réduites et de hausse des taux d’intérêt, beaucoup de dirigeants hésitent à franchir le pas.
À ces freins financiers s’ajoute la complexité des dispositifs publics, entre France 2030, fonds européens et subventions locales, dont l’accès reste souvent réservé à ceux qui disposent déjà de services spécialisés. Le manque de compétences techniques pour piloter des technologies de pointe accentue encore les inégalités. Ainsi, alors même que la transition verte est présentée comme une opportunité, une partie du tissu industriel français risque d’être distancée.
La Cour des comptes a récemment tiré la sonnette d’alarme : les résultats de la France en matière de transition écologique restent « insuffisants » et le gouvernement doit agir « de manière urgente » pour combler ses retards. Dans son premier rapport annuel sur la transition, elle souligne que l’inaction coûtera bien plus cher que l’action, rappelant qu’un statu quo pourrait amputer le PIB français de 11,4 % d’ici à 2050. Pour la Cour, il devient indispensable de mieux articuler planification écologique et finances publiques et, surtout, d’associer pleinement le secteur privé afin de doubler les financements mobilisés chaque année.
Location financière : Quand le financement devient levier stratégique

Pour combler ce fossé, des acteurs privés développent déjà des solutions alternatives. C’est le cas de Realease capital, spécialiste français de la location financière d’actifs technologiques, propose aux industriels des modèles flexibles adaptés aux investissements verts. Concrètement, l’entreprise finance des équipements coûteux (d’efficacité énergétique) et permet aux industriels d’y accéder sous forme de location financière ou même de modèles « as a service ».
La location financière change la donne. Elle permet de préserver la trésorerie et d’éviter un endettement lourd, tout en étalant les coûts sur la durée d’utilisation. Elle facilite également l’accès aux aides publiques, grâce à une structuration des projets qui répond mieux aux critères des dispositifs de soutien. Enfin, la location financière offre une flexibilité rare, en permettant de renouveler ou d’adapter les équipements au fil des innovations technologiques.
Ne pas rater le virage

La France s’est fixé un objectif de neutralité carbone à l’horizon 2050. Mais si seules les grandes multinationales parviennent à enclencher la transformation, le pari sera perdu. Les PME et ETI, qui constituent le cœur de l’industrie française, doivent trouver des solutions pour investir malgré les contraintes.
Cet enjeu est d’autant plus crucial qu’il s’inscrit dans une bataille beaucoup plus large. Comme le rappelle la Fondation Jean-Jaurès dans une étude récente de Neil Makaroff (Strategic Perspectives, 2025), l’Europe risque une « longue agonie » industrielle si elle ne parvient pas à rivaliser avec les États-Unis et la Chine, qui soutiennent massivement leurs filières vertes. Le différentiel de prix de l’énergie, la surcapacité chinoise et les tensions commerciales avec Washington fragilisent directement les efforts de réindustrialisation verte menés en France.
L’étude plaide pour la création de « marchés pilotes » fondés sur des standards environnementaux ambitieux, combinés à une préférence européenne, sorte de Buy European Act adapté aux enjeux climatiques. Cette stratégie permettrait non seulement de protéger les filières stratégiques (batteries, acier vert, éolien, automobile) mais aussi de sécuriser des centaines de milliers d’emplois industriels sur le continent.
La bataille de la transition verte ne se joue donc pas seulement sur le terrain technologique ou financier : elle est aussi politique et européenne. Sans une stratégie commune, les efforts français risquent d’être balayés par la concurrence mondiale. Mais si la France et l’Union européenne savent conjuguer financements innovants, normes environnementales et protection industrielle, elles peuvent transformer la contrainte climatique en atout stratégique.
Pour en savoir plus :
Realease capital
Pour aller plus loin :
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