Dématérialisation des supports : quel avenir pour l’impression ?


Dématérialisation des supports

Avec l’hyper-digitalisation de la société, photographies, documents et publications semblent s’affranchir de plus en plus de l’impression. Dans l’univers du « tout numérique », quel avenir pour le secteur de l’impression et les supports imprimés ?

En 2016, près de 3 milliards d’images ont été échangées via les réseaux sociaux. Ce nombre, deux fois supérieur à celui d’il y a deux ans, souligne une tendance forte de nos sociétés digitales : la dématérialisation des supports. Dans notre quotidien ultra-connecté, les images, qui n’ont jamais été aussi présentes, semblent s’affranchir de plus en plus de « l’imprimé » pour exister. Images, photographies, livres et documents divers : les supports imprimés sont-ils voués à disparaître dans cette vague numérique ?

Impression : baisse de la qualité des images

Hervé Schwertz est le gérant de Pixel Tech, société spécialisée dans la vente de matériel d’impression numérique grand format. Cette entreprise, partenaire de Realease Capital, couvre le secteur de l’impression de façon très transversale : « fine art », reprographie (affiches, plans), covering, impression textile… Un large domaine de compétences qui permet de donner une vue d’ensemble au spécialiste : « Auparavant, les métiers de l’image étaient réservés à un certain nombre de pros. Maintenant, n’importe quel particulier ou entreprise crée ses propres images », analyse ce dernier.

Une démocratisation du secteur qui a largement à voir avec l’arrivée sur le marché de l’impression du web-to-print, phénomène à la croisée du web, de l’imprimerie et du commerce électronique. Dans le « Livre blanc du Web to Print », Ludovic Martin revient sur les débuts du phénomène : « Vistaprint a ouvert la voie à la fin des années 90 en démocratisant ce concept novateur qui permettait à n’importe quel consommateur de se créer lui-même ses cartes de visite à partir de modèles prédéfinis ».

Le livre blanc

Pour le spécialiste, l’approche très intuitive et vulgarisée du web-to-print, associée à la technologie de l’impression numérique, constitue « le duo gagnant des dix dernières années… Et probablement celui des années à venir ». 

Auparavant, les métiers de l’image étaient réservés à un certain nombre de pros. Maintenant, n’importe quel particulier ou entreprise crée ses propres images.

Hervé Schwertz – Dirigeant de Pixel Tech

Reste que ce « boom » de l’image imprimée s’est également accompagné d’une baisse de qualité, comme le souligne Hervé Schwertz : « Les fichiers que doivent imprimer nos clients sont de plus en plus hétérogènes, voire déplorables ». Pour faire face à cette évolution du secteur, la société Pixel Tech a mis en place des outils de flux pour permettre l’automatisation du tri et de la préparation des fichiers avant l’impression. Des ajustements techniques qui n’empêchent pas le gérant de la société lyonnaise de rester optimiste sur l’avenir des supports « classiques » : «L’image imprimée a de l’avenir » insiste Hervé Schwertz.

L’impression numérique : une technique adaptée au rythme de la société digitale

Les chiffres officiels semblent lui donner raison. Comme le rappelle, dans un article du JDN, Laurent Carreyve, de Dell France : « Jamais les perspectives de croissance du marché de l’impression n’ont été aussi optimistes : de l’ordre de 29 % par an entre 2012 et 2017, selon l’IDC. »

Comment expliquer une telle résistance de l’imprimé, à l’heure de la dématérialisation et de la digitalisation ? Tout simplement par une autre révolution technologique : l’apparition de l’impression numérique.  « Cette technique d’impression, venue remplacer l’offset, associée à la hausse de la productivité des machines et à la baisse de coût de l’encre, a véritablement été une grande évolution », décrypte Hervé Schwertz.

En résumé : l’image imprimée s’est adaptée aux rythmes de plus en plus effrénés exigés par l’hyper-digitalisation. De plus, l‘impression numérique a su se mettre à la page d’une autre tendance commerciale : l’ultra  personnalisation. « Les consommateurs ne recherchent plus les mêmes produits que leurs voisins : ils veulent afficher à la fois leur différence et leur personnalité. Le produit devient ainsi une excroissance de leur égo. Bienvenue dans l’ère de la mass-customization, ou personnalisation de masse. […] L’imprimerie n’échappe pas à cette tendance », analyse Ludovic Martin.

Jamais les perspectives de croissance du marché de l’impression n’ont été aussi optimistes

Laurent Carreyve, Dell France

Ici encore, les techniques ont su évoluer, en phase avec les nouveaux comportements : « L’impression numérique permet de faire de courtes séries personnalisées en s’adaptant aux besoins des clients », rappelle Hervé Schwertz. De quoi répondre à la demande et représenter un allié commercial de poids dans certains secteurs tels que l’impression textile ou la publicité, toujours plus en quête de flexibilité.

Impression photo : de nouvelles formes de consommer

Mais qu’en est-il de l’image imprimée dans des domaines plus personnels, comme par exemple la photographie de loisir ? À l’heure où l’essentiel du partage des images se fait via internet, la photographie développée ou imprimée est-elle en voie d’extinction ? D’après une enquête réalisée en 2014 par l’IPSOS sur les « pratiques photos » des Français, s’il reste évident que la plupart des photos sont désormais consultées et partagées via écrans, le nombre de photos imprimées ou développées est en hausse pour les appareils Reflex et compacts.

Fait intéressant, l’impression de photos n’est pas uniquement réservée aux clichés de qualité : l’impression de photos issues de Smartphones augmente également. Hervé Schwertz analyse ainsi ce nouveau rapport à la photographie : «Aujourd’hui, on fait beaucoup plus de photos. Et on n’en imprime qu’un nombre réduit. Après, on les imprime sous différentes formes. Acheter un album photo imprimé est par exemple une autre façon de consommer de la photo ». En marge de ces albums photos, qui représentent désormais un juteux business pour les professionnels de l’impression et du web-to-print, de nouveaux services tels que My Social Book se positionnent sur le créneau des réseaux sociaux, en proposant de réaliser des albums à partir des photos postées sur vos comptes. Du digital vers le print, à nouveau. La boucle est bouclée.

Édition : une bonne complémentarité entre livres print et numérique

Si du côté de l’image, le digital n’a pas encore substitué l’imprimé, qu’en est-il du côté de l’édition ? Le livre papier est-il voué à disparaître, supplanté par l’Ebook Marie-Laure Cahier a travaillé 15 ans comme directrice éditoriale dans l’édition universitaire et professionnelle avant de lancer le cabinet de Consulting éditorial Cahier&Co. En 2016, elle a publié l’ouvrage « Publier son livre à l’ère numérique », coécrit avec Elizabeth Sutton, une source précieuse d’information pour les auteurs tentés par l’auto-édition, à l’heure où les formats print et numérique cohabitent encore.

Publier son livre numérique
Publier son livre à l’ère numérique, par Marie-Laure Cahier et Elizabeth Sutton  Version papier et version numérique 

 

Pour ce qui est de la compétition entre édition print et numérique, la spécialiste, également collaboratrice du  Think Thank « La fabrique de l’industrie » constate que « la tendance 2016 est plutôt à la baisse pour l’Ebook par rapport aux livres papier, aux États-Unis comme au Royaume-Uni. » Un phénomène à mettre sur le compte des prix pratiqués par les éditeurs en ce qui concerne le format numérique. « En France et dans le domaine de la littérature, les livres numériques peuvent représenter jusqu’à 5 ou 10 % des ventes », rappelle Marie-Laure Cahier. « Si ce niveau plafonne, c’est parce que les éditeurs maintiennent des prix élevés, poursuit-elle. Et ce malgré des coûts de production jusqu’à 30 % moins élevés ».

Tendances du livre numérique en France

Tendances du livre numérique en France – baromètre KPMG 

Le numérique ne serait donc pas en train de se substituer au papier dans le domaine de l’édition. « Le marché du livre numérique serait sans doute plus dynamique avec des prix éditeurs plus bas », insiste Marie-Laure Cahier. Selon cette spécialiste, il serait plus pertinent de parler d’une « honnête complémentarité entre support numérique et support papier [avec] une prédominance qui reste au papier pour la quasi totalité des secteurs d’édition, à l’exception des encyclopédies et de l’édition professionnelle juridique et scientifique »

C’est sans doute dans ce rapport plus nuancé que se joue l’avenir de l’impression et de ses relations avec les supports digitaux. Comme le rappelle cette consultante, qui a fait le choix de sortir son ouvrage à la fois sous format papier et web-édition, « Aujourd’hui, la plupart des grands éditeurs publient simultanément la version print et la version ePub des nouveautés. Les deux supports coexistent fort bien. ». À l’heure des écrans animés, c’est la même idée de complémentarité qui prévaut dans le secteur de l‘impression numérique : « Nous conseillons souvent à nos clients de trouver une dynamique entre l’écran et la signalétique. Une belle image attire toujours beaucoup plus l’œil qu’un écran perdu au milieu de nulle part dans une station de métro », conclue Hervé Schwertz. Une complémentarité qui ouvre largement le champ des possibles pour les spécialistes. Jusqu’à ce que de nouvelles technologies viennent (encore) bouleverser les règles. Depuis quelques années déjà, l’impression 3D et le papier connecté sont dans la ligne de mire…

A consulter également sur notre blog : Usine numérique : où en est la France ?