Quel avenir pour l’industrie du futur en France ?


Industrie du futur

L’industrie française pourrait trouver un second souffle en s’adaptant aux défis de l’usine digitale  et de la robotique. C’est l’objectif affiché par BPI France, qui vient de créer « French Fab », un écosystème propice à la modernisation de l’industrie française. Quels sont les impacts de ces bouleversements sur les entreprises et sur l’emploi ?

Transformer le modèle industriel par le numérique. Accompagner et favoriser la transition vers l’automatisation du processus de production et l’industrie du futur. Ces mantras des temps modernes occupent aujourd’hui toutes les discussions des décideurs politico-institutionnels et économiques. En France, la réflexion portant sur la modernisation du tissu industriel et son ancrage dans le XXIe siècle ne date pas tout à fait d’hier. En mai 2015, déjà, un plan pour la « réindustrialisation autour du projet Industrie du Futur, nouvelle matrice de la stratégie industrielle » était esquissé par les hautes sphères de l’Etat français (lire ici).

Industrie du futur : la french Lab

C’est bien ce grand défi que souhaite relever la « French Fab », fondée un an plus tard, en mai 2016, par la banque publique d’investissement BPI France. Derrière ce blase anglosaxon, ses promoteurs cherchent à mettre l’accent sur les atouts et les spécificités « french » de l’industrie nationale.

Comme une « French Tech » appliquée à l’industrie du futur. Soient les atouts du tissu industriel français pour affronter les défis de la digitalisation de l’industrie qui intègre, d’une part, le travail des robots et autres outils d’automatisation à tous les maillons de la chaîne de production et qui consacre, d’autre part, la digitalisation des relations entrepreneuriales et commerciales.

Industrie du futur : Les atouts de l’industrie française

Régulièrement tancée pour ses supposées difficultés à se moderniser, l’industrie française présenterait, au contraire, nombre d’atouts que les spécialistes ne manquent pas de saluer.

C’est le cas de Thierry Weil, Docteur en physique, ingénieur général des mines, membre de l’Académie des technologies, et professeur à Mines Paristech : « La France est particulièrement bien placée sur certaines technologies de l’industrie du futur comme l’Internet des objets (IoT, selon l’abréviation en anglais, ndlr), la cybersécurité ou les logiciels embarqués» Outre le dynamisme des PME et start-ups françaises dans le domaine, l’implantation de géants étrangers dans le pays est un signe de satisfaction. L’ouverture par le groupe allemand SAP, en juin dernier, du centre Leonardo à Levallois-Perret, le premier du genre, « avant Berlin, Palo Alto et Bengalore », donne la mesure de l’innovation en France.

Fabrique de l'industrie

L’étude de La Fabrique de l’industrie, publiée fin 2016, met l’accent sur l’importance de la formation.

« L’industrie du futur est un levier compétitivité, poursuit Thierry Weil, également délégué de La Fabrique de l’industrie, think tank spécialisé sur les questions industrielles. Le défi est de ne pas se laisser piéger dans une concurrence avec les pays à bas salaires. Nos produits doivent ainsi se distinguer par leur qualité, leur caractère innovant, les services qui les accompagnent, leur adéquation avec les besoins particuliers de consommateurs exigeants : c’est la montée en gamme. Nos procédés de production doivent être fiables, sobres en ressources, flexibles, grâce à la mobilisation des technologies de l’industrie du futur. »

En clair, miser sur le « Made in France » comme un gage de qualité, d’innovation et de service après-vente haut de gamme.

Industrie du futur en France : La « French Fab » constituerait l’« écosystème » nécessaire

La French fab

La « French Fab » veut impulser un « Made in France » de l’industrie du futur

Dit autrement, l’atout de la France, c’est, selon Nicolas Dufourcq, directeur général de BPI France, « la manière française de faire de l’industrie ». Dans cette interview publiée sur le site-vitrine de la BPI, M. Dufourcq déroule sur la nécessité de la création de la « French Fab » : « C’est l’écosystème de l’industrie française qui est trop méconnu et qui mérite toute notre considération. C’est l’idée que l’industrie française n’a absolument pas disparu, que nous avons un million d’ingénieurs en France comme il y a un million d’ingénieurs en Allemagne, et que tout ce tissu d’entreprises industrielles de rang 1, 2 ou 3 va connaître un développement significatif avec l’usine du futur, avec les objets connectés. »

La French FabA la pointe à l’échelle européenne, l’industrie « du futur » à la française pourrait aussi nourrir des espoirs de leadership à l’échelle internationale. Selon Michaël Valentin, Directeur associé d’OPEO Conseil, auteur d’un article à ce sujet, publié dans Les Echos, « La French Fab [offre aussi] une opportunité pour renforcer notre confiance collective et celle de nos partenaires. »

Frisant parfois, selon ses voisins, le caractère prétentieux sur le plan individuel, le Français perdrait confiance en lui, selon cet observateur, dès qu’il s’agit d’établir une « ambition collective ».

Un défaut d’esprit collectif que chercherait à corriger la « French Lab ». « Avec La French Lab lancée en mai 2016, BPI France veut créer un vrai écosystème de PME et ETI industrielles, abonde Thierry Weil. C’est un signe encourageant que les pouvoirs publics mettent au point une stratégie d’investissement reposant sur ces deux grands piliers : favoriser l’investissement des entreprises et entretenir, par l’investissement public, un écosystème sachant répondre aux grands enjeux de l’industrie du futur (numérique, montée en qualification des salariés, etc.). » L’action de l’Etat, qui dépasse ses fonctions régaliennes en stimulant l’innovation, constituerait donc l’un des atouts de l’industrie française.

Industrie du futur en France : l’automatisation ne signifierait pas la mort de l’emploi

La robotisation sur l'emploi

L’impact de la robotisation sur l’emploi fait débat, en France et partout dans le monde. Photo : Pixabay

Les voyants ne sont pour autant pas tous au vert. Les débats, qui font rage dans les médias et dans les milieux académiques, sur le sujet de l’emploi à l’heure de la robotisation, en témoignent. La désindustrialisation engagée en France a déjà détruit des millions d’emplois. L’automatisation et l’arrivée des robots finiraient, selon certains, d’envoyer des millions de Français sur la paille. Au point que des réformes jusque-là absentes des débats, telles que la création d’un revenu universel ou la taxation des robots, éveillent l’intérêt de plus en plus d’intellectuels et de représentants politiques, de droite comme de gauche.

Alors, comment faire pour que, en France, l’essor de la robotisation n’implique pas la mort de l’emploi ? Thierry Weil nous répond ici au nom de toute l’équipe de La Fabrique de l’industrie. « Nous sommes convaincus que l’apprentissage permanent devient la norme : la formation tout au long de la carrière est indispensable, et doit être une priorité pour tous. » Dans une étude datant d’octobre 2016, La Fabrique de l’industrie a cherché à lever le voile sur ce rôle crucial de la formation (lire en intégralité ici). « L’automatisation ne détruit pas le travail humain mais elle le transforme en profondeur, le remodèle, conclut M. Weil. La transition vers l’industrie du futur représente un enjeu technologique primordial pour les entreprises, qui se double d’un défi humain et organisationnel. Elle demande une réorganisation du travail, de nouvelles compétences, de nouveaux métiers et donc une élévation des qualifications. » Ne pas détruire d’emplois en fomentant la formation et la flexibilité des employés… L’avenir nous dira si l’« écosystème French Lab » parvient à faire consensus sur ce point.

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